l’Époque Victorienne Londres

Au début de l’ère victorienne, un habitant des quartiers Saint-Giles, Bermondsey ou Bethnal Green vit en moyenne jusqu’à 18 ans tout juste, tandis qu’un noble londonien meurt autour des 44 ans.

 

Cet écart dans l’espérance de vie des Londoniens est une des nombreuses marques du fort contraste qui règne dans la capitale anglaise. En effet, Londres au temps de Victoria illustre le mieux du monde la division sociale : la métropole est cloisonnée, du travail aux loisirs en passant par le train de vie quotidien.

 

On peut se demander comment une ville où la diversité et surtout l’inégalité sont si fortes, où l’Est et l’Ouest s’opposent si radicalement, parvient à rayonner par sa richesse et son immensité.

Qu’offre Londres à ses habitants ? Les lieux de promenade, de détente et de loisirs cloisonnent un peu plus encore les riches et les pauvres : l’Ouest plait aux riches avec ses somptueux décors pendant que l’Est fait oublier les chagrins dans les pubs et les rues. Jules Vallès écrivit à propos de l’univers affecté et fermé des clubs londoniens : « ces cimetières peuplés par un monde de revenants qui lisent, bâillent et fument, immobiles, raides, empalés. » Les clubs étaient en effet des lieux très huppés où seuls les résidents du West End étaient acceptés

La capitale la plus puissante du XIXe siècle divise la société d’abord par l’habitat , puis par les loisirs divergents qui enferment chaque groupe dans sa condition, et enfin par le travail, l’économie, qui n’est pas la même pour tous mais qui permet néanmoins le développement d’un état.

 

Londres n’a pas manqué de susciter la surprise et la critique chez ses visiteurs. Gigantesque et cloisonnée cette métropole à deux faces montre le confort et le luxe les plus éclatants à deux pas de l’indigence la plus effroyable et attristante. Comme l’a dit Disraeli, « ce sont deux nations ».

 

Pourtant ce contraste si fort et si gênant dans l’habitat dans les loisirs ou dans le travail en un mot dans la vie quotidienne permet à la capitale anglaise de rayonner par sa taille et sa richesse par sa puissance industrielle et économique durant le règne de Victoria.

Les habitations

L'habitat des classes populaires est source de promiscuité et donc de danger : les terrasses, petites maisons en briques juxtaposées les unes aux autres, comprennent deux pièces au rez-de-chaussée et deux à l'étage ; les back-to-backs sont constituées de trois pièces sur deux étages ; les masures des slums. Le pub est "l'assommoir" du Londonien et le lieu des querelles. La rue est grouillante de monde et certains quartiers sont animés par des bandes rivales.

 

La City, quartier des affaires, est administré par un conseil commun de 200 personnes élues selon un scrutin d'inspiration censitaire (En 1888, une loi crée le Conseil du comté de Londres, élu démocratiquement).

 

Parmi cette cour des échevins est choisi le lord-maire dont la charge dure une année. La City a tendance à se vider de sa population durant le siècle : il y avait plus de 100 000 habitants en 1861, ils sont moins de 20 000 à la fin du siècle. Banquiers et aristocrates préfèrent Mayfair ou Belgravia. La Cité est désertée de ses employés le soir.

 

La City est le quartier des sociétés par actions. La bourse du commerce a été construite entre 1842 et 1844 au cœur de la Cité ainsi que les bureaux de la Lloyds. Les banques sont nombreuses.

Le Travail

"Merveilleux fouillis d'agrès, de vergues, de cordages ; chaos de brumes, de fourneaux et de fumées tire-bouchonnées; poésie profonde et compliquée d'une vaste capitale" selon Baudelaire, les Docks sont fréquentés par des clippers, bricks, goélettes, bougres, galiotes et bateaux à vapeur

 

De nouveaux docks furent aménagés au cours du siècle pour répondre à la demande et à la circulation fluviale de plus en plus forte. Dans les années 1880, il y avait autour de 100 000 dockers à y travailler. C'est un métier offert à tous ceux qui ont été rejetés ailleurs. Il existe un hiérarchie cependant entre bateliers et arrimeurs d'une part et les manutentionnaires.

 

Les premiers pilotent les gabarres et arriment les marchandises. Une partie des travailleurs des docks est constitué d'occasionnels. À la fin de la journée, les dockers sont fouillés pour vérifier qu'ils n'ont pas volé dans les marchandises. Le brouillard londonien peut arrêter l'activité et la pluie le déchargement. Pour fabriquer les docks de Sainte-Catherine, il fallut raser un hospice et 1250 maisons. À la fin du siècle, les docks déclinent lentement.

 

En 1889, une grande grève éclate. Les grévistes obtiennent gain de cause. Le déclin se poursuit cependant (L'histoire, n°131, mars 1990). Autre chose est le débarquement des marins décrit par Jules Vallès : "la Tamise vomit tous les marins avalés à l'autre bout du monde".

Londres est une ville clairement délimitée entre des quartiers dont les fonctions et les habitants sont différents. En 1851, un Londonien sur vingt cinq appartient à la classe supérieure et les quatre cinquième aux rangs des travailleurs manuels. Flora Tristan, socialiste et utopiste, décrit cet aspect de la ville : "On passe de cette active population de la Cité qui a pour unique mobile le désir du gain à cette aristocratie hautaine, méprisante, qui vient à Londres, deux mois chaque année, pour échapper à son ennui et faire étalage d'un luxe effréné, ou pour y jouir du sentiment de sa grandeur par le spectacle de la misère du peuple !... Dans les lieux où habite le pauvre, on rencontre des masses d'ouvriers maigres, pâles (...)".

 

La misère des villes anglaises a été décrite par des observateurs nombreux : Gustave Doré ou Eugène Buret qui écrit : "La misère anglaise se distingue de celle des autres pays, par son aspect fantastique, par le costume grotesque qu'elle se compose avec les lambeaux de vêtements autrefois portés par les classes aisées, et qu'elle va ramasser dans les boutiques des chiffonniers".

 

Les pauvres s'entassent parfois dans les Workhouses, maisons très strictes, sortes de centres de redressement. "C'est un économiste libéral aussi optimiste que Mac Culloch qui calcule qu'un Londonien sur six meurt au workhouse, à l'hospice, à l'asile ou à la maison de fous" (Bedarida, La société anglaise). Londres est d'un côté une "grande cité infecte, cliquetante, grondante, fumante, puante - affreux amoncellement de briques en fermentation, déversant son poison dans tous les pores".

L'architecture reflète bien évidemment ce constraste. Nous avons évoqué les maisons des pauvres ; la ville s'enrichit aussi de bâtiments institutionnels dans un style néogothique (Tower House de William Burges) ; de Terraces monumentales telles celles de John Nash (Chester Terrace par exemple, 1827, Regent's Park), de maisons de briques dont les façades sont agrémentées de céramiques (Royal Albert Hall, 1867-1871) ; de passages et autres galleries recouvertes de verrières (Covent Gargen, 1828-1831, Charles Fowler).

 

John Nash est d'ailleurs le grand concepteur des aménagement de la ville : "Ce n'est qu'au début du XIXe siècle qu'un plan public de développement, confié à l'architecte John Nash, est destiné à doter le West End des vastes avenues et perspectives qui lui manquaient : Regent Street est percée entre 1817 et 1823, Regent's Park et Saint James Park sont redessinés et bordés de Terraces , immeubles joints à la façade courbe et harmonieuse, Trafalgar Square est commencé en 1830.

 

Quelques bâtiments de prestige portent aussi la marque du pouvoir, dont le British Museum et l'arc de triomphe de Hyde Park Corner. "La fièvre d'urbanisme ne s'accompagne donc pas d'une unité de styles, bien que constructions publiques et même gares s'inspirent d'un goût excessif pour le néo-gothique : en témoignent le nouveau Parlement de Westminster ou la gare de Saint Pancras.

 

Le "palais de cristal » de l'Exposition de 1851, transporté à Sydenham, dans le sud de la capitale, témoigne, jusqu'à sa destruction en 1937, d'une audace mieux inspirée". "L'enfer londonien appelant l'utopie, à la suite de la dénonciation des laideurs de la ville, par John Ruskin ou William Morris notamment, apparaît l'idée des cités-jardins et s'édifie, en 1903, la première "ville nouvelle" au nord de la capitale : Letchworth, construite conformément aux principes d'Ebenezer Howard et de Raymond Unwin".

Les saisons

La saison est l'époque de l'année à Londres où la gentry vient de sa province participer aux réjouissances, entre avril et juillet. Ses membres possèdent une townhouse dans un quartier chic de la ville (Mayfair ou ParkLane). La présentation à la Cour est l'occasion de se montrer, notamment à la reine. La cérémonie se passe au palais de Buckingham ou de Saint James. La soirée est consacrée aux présentations des jeunes filles à marier, aux danses (les valses viennoises sont à la mode).

 

Une partie des événements de la saison se déroulent en public : régates, promenades à Hyde Park. Joseph Conrad s'est fait le chantre de ce Londres des bonnes moeurs : "Entre les barreaux des grilles du parc, ces regards contemplaient des cavaliers et des cavalières en promenade dans Rotten Row : il y avait des couples qui passaient harmonieusement au petit galop, d'autres qui avançaient posément au pas, il y avait des groupes de trois ou quatre cavaliers qui s'attardaient, des cavaliers isolés à l'air insociable et des femmes isolées, suivie à distance par un palefrenier portant cocarde à son chapeau et ceinture de cuir par dessus sa redingote ajustée."... La société est alors pénétrée par les conventions imposées par Victoria.

 

Le recensement de 1851 à Londres permet d'évaluer la répartition des activités de la population active : Londres a 2 362 000 habitants (20 % de plus depuis 1841).

 

Londres a, à cette époque, 47,3 % d'actifs (1 117 921 personnes) dont 63,4 % d'hommes et 36,6 % de femmes. La grande industrie tient une place modeste dans cette structure au profit de de la petite industrie traditionnelle même si 45 % des actifs travaillent dans le secteur secondaire (textile, bâtiment, chaussure, bois...).

 

44 % des Londoniens qui travaillent sont des artisans et des petits commerçants.

Londres est au XIXe siècle la ville reflet de la révolution industrielle dans le pays où elle a commencée (l'écrivain romantique allemand Heinrich Heine l'a bien écrit : "(en voyant Londres) les secrets les plus cachés de l'ordre social se révèleront à lui soudainement, il entendra et verra distinctement les pulsations vitales du monde(...)" : ville-mégalopole qui grossit sans mesure ("Le guide Badecker de 1890 s'émerveillait devant une extension de 14 miles d'est en ouest, une superficie de 316 kilomètres carrés, un dédale de 7 800 rues formant une longueur totale de plus de 4 800 km ") ; ville-populaire ; ville où s'expriment et s'expérimentent les valeurs puritaines : du West-End à l'East-End.

La Belle époque Paris

Après les guerres franco-prussiennes qui ont déchiré l’Europe et la grande dépression qui s’en suivi, à partir de 1879, la France connaît une période de répit et de prospérité exacerbée par la 2ème révolution industrielle et la place de plus en plus grandissante des marchés financiers parisiens. Cette période de paix, qui durera jusqu’à l’aube de la première guerre mondiale (1914), est marquée par l’optimisme et l’insouciance de la population.

 

Sentiments qui favorisent les progrès techniques, sociaux et économiques. C’est également l’âge d’or de la bourgeoisie (issue de l’aristocratie de l’ancien régime) qui donne fêtes et réceptions dans tout Paris.

 

La capitale se peuple, s’urbanise et se modernise grâce notamment aux travaux du baron Haussmann faisant émerger dans son sillage des mouvements artistiques et architecturaux comme l’Art nouveau ou plus tard l’Art déco. Il y a comme une sorte d’effervescence créatrice qui envahit les galeries d’art mais également la rue avec un goût prononcé pour la mode et les toilettes élégantes.

 

Les cafés, les cabarets et les salles de concerts sont fréquentés avec ardeur par une classe moyenne opulente qui profite des progrès socio-économiques. De la Gare Saint-Lazare à l’Opéra Garnier en passant par les Grands Boulevards, nous vous proposons un véritable voyage temporel, le temps d’un week-end insolite, à l’époque des chapeaux à plumes, des grands magasins et du Métropolitain - au cœur d’une époque en pleine révolution sociale, industrielle et artistique.

La gare Saint-Lazare, symbole d’une nouvelle révolution industrielle

 Notre parcours commence sur le parvis de la gare Saint-Lazare dont la façade imposante et uniforme témoigne d’une construction au milieu des années 1830.

Son histoire coïncide avec les débuts des chemins de fer, car elle sera le terminus de la première voie en France à offrir un service de voyageur.  Son agrandissement par Eugène Flanchat, dans les années 1850, visera à recouvrir les voies par des halles métalliques typiques de l’architecture du Second Empire et de la Restauration. Ce n’est qu’à la perspective de l’exposition universelle de 1889 que la gare fait son entrée dans la Belle Epoque grâce à de nouveaux travaux menés par Juste Lisch, et notamment par la construction d’un très bel hôtel particulier pour accueillir les voyageurs attirés par l’exposition. 

Les Grands boulevards, des artères où le tout Paris s’affère

 Balzac écrivit que « les Boulevards sont aujourd’hui pour Paris ce que fut le Grand Canal à Venise ». Depuis le milieu du XIXème siècle, ils sont, en effet, au centre de la vie parisienne. Cet ensemble de voies, qui s’étend de La Madeleine à la Bastille, est un lieu emblématique en matière d’élégance, de mode, de divertissements et de tourisme. Aujourd’hui, on trouve encore des cafés, de grandes brasseries, des restaurants, des cinémas et bien-sûr les derniers théâtres dit de « boulevards ».

«Les Boulevards sont aujourd’hui pour Paris, ce que fut le Grand Canal à Venise »

 Balzac


Ceux-ci étaient spécialisés dans la comédie légère, voire polissonne, visant à divertir un public désirant rire de choses simples. Même si bon nombre d’établissements sont aujourd’hui fermés ou réhabilités, en se baladant le long des Grands Boulevards on peut encore apercevoir quelques vestiges de cette « grande vie à la parisienne ».

 

Arrêtez-vous quelques instants au Chartier, ce bistrot bon marché de l’époque, resté dans son « jus » depuis 1896. Sous sa grande verrière et ses boiseries anciennes, on vous garantit le saut temporel.  Les porte-bagages en cuivre et les casiers destinés aux serviettes des habitués attiseront forcément votre curiosité.

 

Un peu plus loin, comme un témoin des avancées artistiques de l’époque, au 14 boulevard des capucines, une plaque commémorative nous rappelle que c’est ici que naîtra le cinéma des frères Lumière, précurseurs d’un art qui ne cessera de s’imposer à travers les siècles.

Les demeures haussmanniennes et l’essor des grands magasins

Au cours de notre balade, les demeures haussmanniennes et les devantures tapageuses des grands magasins qui bordent les Grands Boulevards attire forcément notre regard.

 

Bien que construits un peu avant la Belle Époque, c’est à cette période que ces derniers vont pourtant vivre leurs heures de gloire.

 

L’époque est à l’éclectisme et le choix du style dépend de la nature de l’édifice : ainsi les églises pourront être néo-gothiques, néo-romanes ou néo-byzantines alors que les bâtiments civils seront bâtis dans un style néo-renaissance ou néo-classique. Haussmann, préfet de l’époque et grand transformateur de Paris, impose des bâtiments d’habitation de 5 étages mansardés avec un balcon au 2ème et au dernier, et qui courent tout du long de la façade, donnant ainsi une véritable harmonie aux rues rectilignes qui caractérisent son style.

 

En véritables étendards de la mode, aux Galeries Lafayette, à la Samaritaine ou encore au Printemps, c’est un parfum de nostalgie qui vous envahit et qui vous propulse tout droit « au bonheur des dames » ; c’est-à-dire au beau milieu d’un roman d’Emile Zola.

 

C’est l’époque où le commerce et la mode triomphent. Les établissements se gonflent de statues, de dorures, de stucs, sans peur de la surcharge. Malheureusement des travaux de réhabilitation ont supprimés nombres d’escaliers monumentaux mais on peut encore admirer leurs pompeuses décorations et les somptueuses coupoles de verre.  

 

N’hésitez pas à monter au dernier étage du Printemps (l’un des 7 points hauts de la capitale) pour apprécier une vue à 350 degrés sur Paris et ses monuments.

 

En marge de notre visite et parmi les témoins du Paris des années 1900, le Métropolitain ou plus communément appelé le « métro » est sans nul doute le vestige de la Belle Epoque le plus utilisé par les habitants et les touristes d’aujourd’hui.

 

Saviez-vous que les bouches de métro dessinées par Hector Guimard sont l’expression d’un Art nouveau naissant ?

 

En 1898, 141 entrées, toutes de courbes végétales et de métal, signalaient l’accès à ce nouveau monde souterrain. C’est de là que l’Art nouveau tira également son nom d’Art métro. Il en reste aujourd’hui 87 dont les plus belles, dotées de marquises, sont encore visibles aux bouches de métro Abbesses, Porte-Dauphine, Tuileries ou au Parc Monceau.

L'Opéra Garnier, l’apothéose d’une époque dédiée à l’art et au spectacle

Voulu par Napoléon III ce n’est qu’en 1874 que Charles Garnier achèvera la construction du nouvel opéra de Paris. Ce dernier oscille entre le style baroque et néo-renaissance. Nous sommes époustouflés par la façade et l’intérieur du bâtiment qui foisonnent de sculptures et de décorations fastueuses.

 

En assistant à une représentation à l’Opéra Garnier on fait un saut au royaume du luxe, de l’apparat et de la représentation qui étaient les principales aspirations de la bonne société de la fin du XIXème siècle. La profusion des marbres, des stucs et des fresques est sans aucun doute la marque d’une société fière de sa prospérité.

 

La fantaisie, l’extravagance et le rejet des références historiques sont les reflets de la gaîté de cette époque. Inspiré de la galerie des glaces du Château de Versailles, ne manquez pas le grand foyer et ses marbres polychromes !