Le chemin de fer Britanique

Le réseau ferroviaire de Grande-Bretagne, le principal territoire du Royaume-Uni, est le plus ancien au monde. Le réseau est originellement construit à partir de tronçons épars exploités par de petites compagnies privées. Ces tronçons se développent pendant le boom des chemins de fer des années 1840 et finissent par constituer un réseau national, même s'ils demeurent toujours exploités par des dizaines de compagnies en concurrence. Au cours du XIXe siècle et au début du XXe, celles-ci fusionnent ou sont achetées par des concurrents jusqu'à ce que seulement une poignée de compagnies plus importantes subsistent. Le réseau tout entier est placé sous le contrôle du gouvernement pendant la Première Guerre mondiale, ce qui révèle un certain nombre d'avantages du regroupement et de la planification. Cependant, le gouvernement résiste à l'appel de la nationalisation du réseau. En 1923, presque toutes les compagnies restantes sont regroupées dans ce que l'on appelle alors « The Big Four » (Les quatre grandes) : la Great Western Railway, la London and North Eastern Railway, la London, Midland and Scottish Railway et la Southern Railway. Les « Big Four » sont des sociétés par action et elles continuent à faire fonctionner le réseau jusqu'au 31 décembre 1947.

Avant 1830 : les pionniers du rail

Même si l'idée de faire passer des chariots de fret dans des chemins de pierre dotés d'ornières remonte aussi loin que la Grèce antique, les wagonnets sur rails en bois trouvent leurs origines dans l'Allemagne du XVIe siècle et la première utilisation de locomotives à vapeur a lieu en Grande-Bretagne. Les premières « routes ferrées » sont alors droites et construites à partir de poutres parallèles formant des rails sur lesquelles des chariots sont tirés par des chevaux. Ceux-ci perdurent jusqu'en 1793 quand Benjamin Outram construit un « tramway » long d'un mile (1,6 km) sur des rails en fonte en forme de L. Ces rails deviennent obsolètes quand William Jessop commence à produire des rails en fonte sans rebords de guidage (les roues des chariots avaient des boudins de roue à la place). La fonte étant fragile, les rails avaient tendance à se briser facilement. Par conséquent, en 1820, John Birkinshaw introduit les rails en fer forgé, qui sont alors utilisés. La toute première ligne de chemin de fer transportant des voyageurs est ouverte par la Oystermouth Railway en 1807, utilisant des charrettes tirées par des chevaux sur une ligne de tramway existante. Pourtant, trois ans auparavant, Richard Trevithick conçoit la première locomotive à vapeur (sans nom) à rouler sur des rails lisses. Et le 21 février de cette même année, 10 tonnes de fer ainsi que 60 personnes désireuses de prendre part au convoi sont ainsi tractées par cette locomotive dans le Pays de Galles.

 

La première locomotive à vapeur exploitée commercialement avec succès est cependant la Salamanca, construite en 1812 par John Blenkinsop et Matthew Murray pour l'écartement de 1,219 m des voies de la Middleton Railway. La Salamanca était une locomotive à crémaillère: une roue dentée étant conduite par deux cylindres imbriqués au sommet de la chaudière à tube-foyer central, ce qui lui facilitait l'adhérence et la traction de convois lourds : d'une masse de 5 tonnes, elle pouvait en tracter jusqu'à 90. Ce modèle de locomotive fut en outre utilisé durant une vingtaine d'années.

 

Entre-temps, en 1813, les ingénieurs William Hedley et Timothy Hackworth conçoivent la Puffing Billy, une locomotive destinée à être utilisée sur les lignes de tramway reliant Stockton à Darlington. Un an plus tard, George Stephenson amène une amélioration avec sa première locomotive. La Blücher est à présent la première à utiliser des roues à collerette unique. Cette réalisation convainc les commanditaires du chemin de fer de Stockton et Darlington de nommer Stephenson ingénieur de la ligne en 1821. Alors que le matériel était originellement prévu pour être tiré par des chevaux, Stephenson fait en sorte que des engins à vapeur puissent circuler sur la voie. L'acte du parlement autorisant la construction de la ligne est alors amendé pour permettre l'utilisation de locomotives à vapeur et le transport de passagers. La ligne longue de 40 km, inaugurée le avec la Locomotion n° 1 de Stephenson, est la première au monde permettant le transport commercial de passagers avec des locomotives à vapeur.

 

En 1827, Timothy Hackworth, nommé surintendant de la Stockton and Darlington Railway par Stephenson, conçoit la Royal George, locomotive alors considérée comme la plus puissante de son époque. Deux années plus tard, en 1829, le concours de Rainhill entraîne une importante évolution des locomotives. L'on y retrouve alors en compétition la Novelty, la Perseverance, la Cycloped, la Sans Pareil et la Rocket. Seule cette dernière arrive à terminer toutes les épreuves du concours.

De 1830 à 1922: débuts du développement ferroviaire

Les premiers chemins de fer publics sont mis en place en tant que simples relations ferroviaires locales et sont alors exploités par de petites compagnies de chemin de fer privées. Avec une rapidité croissante, de plus en plus de lignes sont construites, souvent sans même se soucier de leur éventuel potentiel de trafic. En termes d'exemple, Londres est reliée à Birmingham en 1838. Les années 1840, marquées par la "Railway mania", sont de loin la plus importante décennie en matière de croissance ferroviaire en Grande-Bretagne. En 1840, le réseau ferré comprend 3 000 km de lignes peu nombreuses et plutôt dispersées. Mais dix ans plus tard, pratiquement tout un réseau est établi, avec plus de 10 000 km de ligne. La grande majorité des villes et des villages britanniques disposent alors d'une connexion ferroviaire, et parfois même jusqu'à deux ou trois. Au cours des XIXe et XXe siècles, la plupart des toutes premières compagnies ferroviaires indépendantes se regroupent ou sont rachetées par des concurrents, jusqu'à ce qu'une poignée seulement de grandes entreprises subsiste (c'est la «Railway mania»).

 

La période a également vu une augmentation constante de l'implication du gouvernement britannique, notamment en matière de sécurité. La « loi pour la réglementation des chemins de fer » a habilité la Chambre de commerce à nommer des inspecteurs des chemins de fer. La « Railway Inspectorate » est ainsi créée en 1840 afin d'en savoir davantage sur les causes des accidents, et de donner des recommandations afin de les éviter. Dès 1844, un projet de loi avancé devant le Parlement britannique suggère le rachat par l'État des chemins de fer, qui n'est pas adopté. Mais ce projet a néanmoins conduit à l'introduction de normes concernant la construction de voitures voyageurs ainsi que l'ajout obligatoire d'un minimum d'accommodation pour les voitures 3e classe (les « Parliamentary trains ») à ciel ouvert.

 

La course du ferroviaire amène comme partout ailleurs à concevoir des tunnels ou viaducs particulièrement délicats à réaliser. Il en va ainsi pour le pont du Forth au nord d'Édimbourg en Écosse. Une compagnie entière, la Forth Bridge Railway Company, est créée pour en superviser sa conception et sa réalisation, qui aura en tout et pour tout nécessité près d'une dizaine d'années, entre 1880 et le , année de son inauguration par le Prince de Galles en personne. À noter également la présence pour l'évènement de son fils le futur roi Georges V et des représentants des chemins de fer étrangers, parmi lesquels Gustave Eiffel.

 

La fin du XIXe siècle marque également les débuts de l'électrification en Grande-Bretagne, offrant de nombreux avantages en comparaison à la traction vapeur, notamment en matière d'accélération rapide (idéal pour les trains urbains (métro) et les trains de banlieue) ainsi que de puissance (lourds convois de fret dans les zones vallonnées et montagneuses). Ainsi de nombreux systèmes apparaissent dès les premières années du XXe siècle, préconisant alors notamment pour la plupart l'utilisation d'un troisième rail et d'assez faibles tensions (de 500 à 1 000 V CC) comparées à celles utilisées actuellement (de 1 500 V CC et 25 000 V AC).

 

L'ensemble du réseau ferré britannique est finalement placé sous le contrôle du gouvernement durant la Première Guerre mondiale, révélant nombre d'avantages issus de cette fusion et de la nouvelle planification. Les députés conservateurs de la coalition gouvernementale ont toutefois résisté aux appels lancés pour la nationalisation des chemins de fer en 1921. À noter que le premier appel de ce genre avait déjà été proposé par William Ewart Gladstone, premier ministre britannique, dès les années 1830.