Les brigades du Tigre

Les Brigades régionales de police mobile (ou Brigades du Tigre) sont l’ancêtre de l’actuelle police judiciaire française. Elles ont été créées1 sur les conseils de Célestin Hennion (directeur de la Sûreté générale) par le Président du Conseil et ministre de l'intérieur Georges Clemenceau en 1907 afin d'avoir une police mobile. Jules Sébille, commissaire de police, est le premier dirigeant de ces brigades mobiles, de 1907 à 1921.

 

Ces « Brigades du Tigre » étaient au nombre de douze à l'origine, puis quinze par le décret du 31 août 1911 (brigades de Rennes la 13e, Montpellier la 14e et Nancy la 15e). Elles étaient implantées dans les principales villes de province. Chacune d'entre elles était dirigée par un commissaire divisionnaire, assisté de 3 commissaires de police et commandant quinze à vingt inspecteurs qui effectuaient leur travail vingt-quatre heures sur vingt-quatre en se relayant par groupes de cinq. L'effectif initial est composé de 168 policiers (12 commissaires divisionnaires, 36 commissaires et 120 inspecteurs)2. Ainsi, leur activité continue dans leurs enquêtes, surveillances et filatures optimisaient l'efficacité de leur mission et maintenaient une pression constante sur le banditisme.

 

 

À l'origine des Brigades du Tigre se trouve l'évolution de la société, de la technologie et du banditisme, comme le souligne l'introduction d'un des épisodes de la série télévisée :

 

« 1907. En ce début de siècle où la vie se transforme au rythme accéléré d'une industrie triomphante, les structures traditionnelles de la vieille société se brisent chaque jour davantage derrière la façade de la Belle Époque. La criminalité augmente dans des proportions d'autant plus inquiétantes qu'une délinquance nouvelle est née qui s'appuie, elle, sur le progrès technique et fait échec à une police archaïque dont les méthodes et le matériel n'ont guère évolué depuis Vidocq. Un chiffre est plus éloquent que tout : au cours de l'année 1906, 103 000 affaires criminelles et correctionnelles ont été classées sans que les auteurs aient pu être identifiés. L'année 1907 s'annonce pire encore. Il y va de la sécurité des villes et des campagnes. »

 

La bande Pollet et ses nombreux meurtres, vols, rackets, torture ou les chauffeurs de la Drôme terrorisent les campagnes entre 1905 et 1908.

 

Face à cette nouvelle montée du banditisme, la police est mal préparée. Elle est divisée en cantons. Il n'y a pas de police nationale. Les charges administratives sont lourdes. Clemenceau décide qu'il faut faire un effort financier pour la police3 ; Clemenceau obtiendra des députés la création du ministère de la police. Deux textes réglementaires fondent la future Police Judiciaire : arrêté ministériel du 6 mars 1907 qui crée un Contrôle Général des Services de Recherches Judiciaires placé sous le commandement du commissaire Jules Sébille ; décret du 30 décembre 1907 qui instaure les douze brigades régionales de police mobile4.

 

Cinq cents policiers mobiles sont recrutés, majoritairement parmi les inspecteurs des chemins de fer comme Célestin Hennion, mesurant moins d'un mètre soixante-dix pour ne pas être repérés lors des filatures2. En un an plus de 2 500 arrestations sont menées. Cette police trace les prémices d'Interpol par le truchement des coopérations internationales[citation nécessaire]. Avec le temps leurs fonctions prennent de l'ampleur par la création de fichiers. Des dossiers sont mis en place avec les balbutiements de la police de renseignements généraux.

 

Cette nouvelle organisation policière est aussi une réponse à l'organisation très structurée des anarchistes illégaux, les Travailleurs de la nuit, de Marius Jacob, qui quelques années auparavant déjouèrent de nombreux pièges policiers à leur encontre. Les Brigades du Tigre, à l'image de leur fondateur Georges Benjamin Clemenceau, étaient autant un outil de répression contre le prolétariat révolutionnaire de l'époque, que de lutte contre le banditisme ordinaire.

 

Les brigades mobiles étaient composées d'hommes entraînés à différentes techniques de combats, dont la savate (ancêtre de la boxe française) et la canne.

 

Ce corps de police spéciale est aussi le premier du monde à mettre en pratique contre le crime toutes les ressources de la science moderne. Ainsi, outre leur bonne condition physique, les « hommes du Tigre », comme on les appelle, bénéficiaient des dernières méthodes d'investigations techniques et de la modernisation du fichage des criminels (fiches anthropométriques avec empreintes digitales) issues des travaux d'Alphonse Bertillon.

 

Ce fichier avait été réorganisé comme premier Fichier central du grand banditisme par Célestin Hennion, quelques mois avant la création des brigades mobiles.

 

Cette nouvelle police d'élite disposait de tous les moyens modernes pour atteindre leurs objectifs : télégraphes, téléphones, et bientôt automobiles (initialement5 quatre De Dion-Bouton6 souvent en panne pour les douze brigades puis des Panhard & Levassor dès 1910). C'est cependant seulement à l'issue de l'Affaire Bonnot en octobre 1912 que chacune des brigades furent dotées d'une automobile7.

 

Dès les premiers mois d'activité, les « Mobilards » obtiennent des résultats spectaculaires dès la première arrestation de la « caravane à pépère » (bande d'une centaine de nomades dirigée par Jean Capello)6. En moins de deux ans ils totalisent 2 695 arrestations, dont 65 meurtriers, 7 violeurs, 10 faux-monnayeurs, 283 escrocs et 193 cambrioleurs8 !

 

Les Brigades du Tigre démantèleront, entre autres, la célèbre bande à Bonnot en 1912.